Traits et attraits de l'oeuvre de Gisèle Prassinos
Une œuvre qui se trouve au carrefour de l’Orient et de l’Occident
Famille créatrice des Prassinos installée à Istanbul et exilée en France en 1922 alors que Gisèle avait 2 ans, à cause de la guerre gréco-turque.
Gisèle Prassinos écrit en français mais garde la nationalité grecque.
Une œuvre qui interroge l’identité féminine
Trouver sa place d’artiste pour Gisèle Prassinos dans sa famille ouvertement patriarcale n’est pas facile et c’est à partir de cette difficulté même que s’est construite son œuvre.
La famille orientale qui débarque à Nanterre est en effet dominée par la figure du Père : Lysandre Prassinos, érudit, directeur à Istanbul d’une revue Logos, peintre à ses heures, transmet « naturellement » son héritage intellectuel et artistique au fils, le futur peintre Mario, frère aîné de 4 ans de Gisèle. Les femmes sont aussi « naturellement » dévouées au bien-être domestique : pour cela, elles gagnent de l’argent en cousant jour et nuit .Le Père travaille durement lui aussi mais il garde son domaine choisi , sa « chambre sanctuaire » évoquée dans Le Temps n’est rien, remplie de livres et il reçoit ses anciens étudiants. La jeune Gisèle, grâce au compagnonnage de jeux et de création avec le frère, où il est fille-garçon et elle « garçon fille », vit dans un « monde suspendu» entre le monde des hommes et le monde des femmes.
Ce qui complique énormément les choses, c’est que cette famille, elle l’adore : le Père et le Fils ne sont jamais pour elle descendus de leur piédestal. Elle reste également fidèle à la mémoire des femmes, sa grand-mère, sa mère, qu’elle perd très jeune, alors qu’elle avait 7 ans, et deux tantes dont une habitera jusqu’à sa mort, chez elle même après son mariage avec Pierre Fridas. Le temps n’est rien est son récit d’enfance sacré.
Alors sa liberté, son indépendance d’esprit prennent un autre tour : l’humour.
Gisèle Prassinos. : « Je suis née surréaliste. »
André Breton avait vu juste sur les qualités de poète de Gisèle Prassinos : « Le ton de Gisèle Prassinos est unique : tous les poètes en sont jaloux. » et sa force d’humour, « l’humour sublime » qu’il célèbre dans l’Anthologie de l’Humour Noir où Gisèle Prassinos est la seule femme admise dans la première édition (la seconde fera entrer Leonora Carrington)
Mais alors qu’elle est et restera pour André Breton, « la femme-enfant », son œuvre de maturité, ignorée par le groupe, montre, comme elle le dit, qu’elle « est née surréaliste ».
Son authentique surréalisme réside dans sa manière d’interroger le monde, dans sa capacité de voir autrement le quotidien, de lui rendre sa foncière étrangeté.
En fait, elle fait œuvre de poète, de romancière et nouvelliste, accompagnée de dessins, dont elle illustre certains de ses textes comme le recueil de poèmes en prose Mon cœur les écoute, de « bonshommes » construits de bric et de broc et de tentures en tissus qu’elle appelle son « artisanat », œuvre plastique qu’elle réalise pendant 20 ans de 1967 à 1988, parallèlement à l’écriture de poèmes, avant de revenir à l’écriture de nouvelles.
Œuvre à diverses facettes et registres, qu’il est nécessaire de mettre en pleine lumière comme beaucoup d’œuvres de femmes restées en retrait dans l’histoire officielle du surréalisme où les hommes gardent le devant de la scène.
(voir Mélusine, n°XXX, « L’autoreprésentation féminine)