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Le portrait de famille

Brelin le Frou

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L’humour selon Gisèle Prassinos, c’est se moquer de soi, prendre de la distance en riant ou en s’efforçant

de faire rire d’une situation pesante.


La réalité pesante, c’est la famille même quand cela ne se voit pas surtout quand elle est merveilleuse, sacrée,

telle qu’elle en a donné l’image dans son récit d’enfance : Le Temps n’est rien.


Un des aspects essentiels de son oeuvre sera de travailler le portrait de famille.

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Quand elle s’attaque à la Bible, c’est-à-dire à notre famille culturelle, (voir la Bible surréaliste de Gisèle Prassinos) ce n’est sans doute pas fortuit que ce soit celle du Père, une Bible protestante mise à la disposition des Eglises de France qui les distribuaient.

 

Mais la production des tentures se déploie à partir d’un récit burlesque, celui de Brelin le Frou paru en 1975 chez Belfond : Brelin, c’est l’artiste le frère aîné, un peu débile et asexué qui confectionne les tentures d’après des photos, racontant l’histoire d’une famille où il y a un génie, Berge. Tentures que retrouve une ethnologue qui signe GP. et qui est l’auteur du récit écrit et illustré par les tentures et leurs dessins préparatoires.

 

Le Portrait de famille exhibe le pilier de la Famille qui est la Différence des sexes arborés par ses membres et malicieusement souligné par la note de cet ouvrage « savant » où ethnologie et psychanalyse sont joyeusement caricaturés. (« Note de l’auteur : Que nul ne soit offensé à la vue des sexes nombreux qui ornent le tableau du frou. Ils sont factices. C’est l’usage en Frubie de porter l’emblème de son genre afin d’être distingué comme mâle ou femelle »).

 

Le jeu de masques n’est pas difficile à déchiffrer : la fille s’est dédoublée en deux figures de destins féminins invivables - épouse fidèle qui ne survit pas à la mort de son époux ou bénéficiaire d’une éducation généreusement prodiguée par le père, ingrate qui « s’enfuit avec un boucher belge »- au profit de l’ « artiste », qui signe G.P. ses « tableaux », en miroir inversé de la petite soeur dans le vrai portrait familial de Gisèle Prassinos : aîné asexué resté « génie obscur » « débile mental » « castré à l’âge de 16 ans par ses parents honteux des nombreux esclandres qu’il avait provoqués par son exhibitionnisme. »


Le récit aboutit au « Portrait idéal de l’artiste » portant sur sa robe de « nombreux emblèmes sexuels mâles, dix exactement » et coiffé du diadème à cornes de taureaux des déesses antiques, fantasme burlesque de l’Androgyne dont Gisèle Prassinos a dessiné une version poétique et tragique et qu’elle a représenté dans une tenture. (voir biblio. Article Remue-Méninge)

 

Elle va oser continuer ce portrait de la famille en retrouvant l’insolence des jeux de l’enfance avec son frère, mais à un autre niveau, le niveau culturel et collectif.


Façon active de retrouver le temps perdu qu’évoquent en même temps les recueils poétiques qui s’égrènent, au ton aussi grave que la production plastique est jubilatoire colorée. Ces images m’ont entraînée sur des pistes qui entre le moment où je les empruntées et le moment présent se sont trouvées correspondre à des interrogations majeures de notre époque sur la famille et le genre.


La subversion interroge l’ordre établi qui vient du plus profond de l’être, être d’artiste.

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